L’infraction de non-justification de revenu au Burkina Faso : Une lutte contre l’enrichissement illicite

L’infraction de non-justification de revenu, prévue par l’article 332-23 du Code pénal burkinabè, est une disposition légale emblématique de la lutte contre l’enrichissement illicite. Introduite par la Loi n°025-2018/AN, cette infraction vise à combattre les formes d’enrichissement dont l’origine légale ne peut être démontrée, notamment dans un contexte marqué par la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux.

Les contours juridiques de l’infraction

L’article 332-23 du Code pénal met en place deux éléments centraux :

  • L’impossibilité de justification raisonnable : Une personne est coupable si elle ne peut prouver que son niveau de vie est en adéquation avec ses revenus légaux.
  • Un seuil fixé par voie règlementaire : La loi impose que ce seuil soit clairement défini pour éviter toute ambiguïté et garantir une application uniforme.

L’article 332-23 du Code pénal stipule clairement les sanctions encourues par une personne incapable de justifier de manière raisonnable l’accroissement notable de son train de vie au regard de ses revenus licites. Voici les principales sanctions prévues sont : 

   – Une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans. 

   – Une amende allant de 5 000 000 à 25 000 000 de francs CFA.

   – La confiscation des biens non justifiés : En complément des sanctions pénales, la juridiction compétente peut ordonner la confiscation de la partie du patrimoine dont l’origine licite n’a pas été démontrée.

La notion de « délit d’apparence »

Le délit de non-justification de revenu est qualifié de délit d’apparence. Cela signifie qu’il repose sur des indices externes, comme le train de vie visible d’une personne, qui ne correspond pas à ses ressources déclarées.

Ce délit est aussi une infraction continue, ce qui signifie que la possession ou l’utilisation des biens illicites constitue une infraction qui perdure tant que ces biens sont détenus ou employés.

Par exemple, une personne qui possède un patrimoine immobilier ou des véhicules de luxe sans source de revenus évidente pour justifier ces acquisitions peut être poursuivie sur cette base.

Le sort des complices et facilitateurs :

Toute personne ayant délibérément contribué, par quelque moyen que ce soit, à dissimuler l’origine illicite des biens ou à en permettre l’utilisation peut être poursuivie et encourt des peines similaires à celles prévues pour le délit de recel, en vertu de l’article 334-2.

Les enjeux et objectifs de cette infraction

L’instauration de l’infraction de non-justification de revenu poursuit plusieurs objectifs stratégiques :

Lutter contre la corruption : Cette disposition permet de cibler les personnes, souvent investies de fonctions publiques, dont le train de vie ostentatoire ne saurait être en adéquation avec leurs revenus déclarés.

Réprimer le blanchiment de capitaux : La loi vise également à empêcher que des fonds d’origine criminelle ou illicite ne soient intégrés dans le système économique formel.

Assurer la transparence et la bonne gouvernance : En imposant une obligation de justification des revenus, le législateur cherche à promouvoir un climat de transparence dans la gestion des ressources tant publiques que privées.

La preuve de l’illégalité des biens

La charge de la preuve repose en grande partie sur le ministère public, qui doit démontrer que le train de vie du suspect excède raisonnablement ses revenus licites. Pour cela, il se base sur des faisceaux d’indice.

L’article 332-23 du Code pénal mentionne un seuil fixé par voie règlementaire pour déterminer les augmentations de train de vie suspectes. Ce seuil est fixé à 5% des revenus licites par le décret n° 2016-465/PRES/PM/MJDHPC portant fixation du seuil relatif au délit d’apparence. Ainsi, une augmentation du train de vie de 5% des revenus licites du citoyen (par exemple le salaire) peut justifier la poursuite pour non justification de revenu. Cependant, en pratique, la fixation et l’application de ce seuil peuvent poser des problèmes, notamment en raison des variations des niveaux de revenus et du coût de la vie.

La perception du public

Cette infraction, bien qu’essentielle, peut être perçue comme ciblant principalement les élites économiques et politiques, ce qui soulève des enjeux d’équité et d’impartialité dans son application.

Dans un environnement où la corruption est répandue, l’efficacité des poursuites peut être compromise par des influences politiques ou administratives. En somme, l’infraction de non-justification de revenu, telle que définie à l’article 332-23 du Code pénal burkinabè, constitue une avancée importante dans la lutte contre l’enrichissement illicite et la corruption. En établissant une obligation de justification des revenus, cette disposition renforce

la transparence et dissuade les comportements déviants. Cependant, pour maximiser son efficacité, elle doit s’accompagner de mesures complémentaires, notamment le renforcement des capacités des autorités judiciaires, une sensibilisation accrue du public et une réelle volonté politique de garantir son application équitable.

Ainsi, cette infraction se veut un levier essentiel pour la bonne gouvernance et la justice sociale au Burkina Faso.

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