Le stellionat, une infraction souvent méconnue du grand public mais sévèrement réprimée, est un phénomène récurrent dans les litiges fonciers au Burkina Faso. Cette pratique frauduleuse consiste principalement à vendre un bien immobilier dont on n’est pas propriétaire ou à le vendre à plusieurs personnes simultanément.
Elle constitue une menace sérieuse pour la sécurité juridique des transactions immobilières dans le pays.
Cet article explore la définition du stellionat, son traitement juridique au Burkina Faso, ainsi que les cas récents qui ont marqué l’actualité.
Définition et caractéristiques du stellionat
Le stellionat est une fraude immobilière qui peut prendre plusieurs formes. Il s’agit notamment de :
- Vendre un bien dont on n’est pas propriétaire ;
- Vendre un même bien à plusieurs acquéreurs ;
- Présenter un bien comme libre de toute hypothèque alors qu’il est grevé ;
- Hypothéquer un bien une seconde fois à l’insu du créancier initial.
Cette infraction est souvent motivée par l’appât du gain et exploite la vulnérabilité des acheteurs, souvent peu informés des démarches légales ou des vérifications nécessaires avant l’acquisition d’un bien.
Le stellionat est d’autant plus problématique dans un contexte où le système d’enregistrement foncier dans certaines régions du Burkina Faso est parfois inefficace ou incomplet.
Cadre juridique et sanctions
Au Burkina Faso, le stellionat est considéré comme une infraction grave, souvent associée à d’autres délits tels que le blanchiment de capitaux, le trafic d’influence ou encore l’acceptation de cadeaux indus. Les autorités judiciaires traitent ces affaires avec une rigueur particulière, notamment en raison de leur impact sur la stabilité sociale et économique.
Les cas récents illustrent bien la sévérité des sanctions appliquées. Par exemple, en 2021, le maire de l’arrondissement 7 de Bobo-Dioulasso, Herman Sirima, a été poursuivi pour stellionat aggravé, trafic d’influence et blanchiment de capitaux. Selon les informations rapportées, lui et ses complices identifiaient des parcelles fictivement attribuées ou sans propriétaires connus, puis les vendaient à des acquéreurs en promettant une réattribution frauduleuse. Ces pratiques ont conduit à leur arrestation et à leur placement en détention provisoire, en attendant leur jugement.
De même, une affaire plus récente, en février 2025, a secoué le système judiciaire burkinabè. Le président du Tribunal de Grande Instance de Banfora, Sidaty Yoda, a été incarcéré pour son implication présumée dans une vaste escroquerie immobilière impliquant la vente illégale de 18 parcelles entre 2022 et 2024. Cette affaire, qui a généré un préjudice estimé à 108 millions de FCFA, met en lumière l’ampleur que peuvent prendre ces fraudes, impliquant parfois des figures d’autorité censées faire respecter la loi.
La dénonciation des actes de stellionat
Le Burkina Faso a intégré des dispositions spécifiques dans son Code pénal pour réprimer le stellionat et protéger les citoyens contre ces fraudes. La version amendée du Code pénal, notamment par la Loi n° 025-2018/AN et ses modifications ultérieures (comme la Loi n° 044-2019/AN), contient des articles qui encadrent cette infraction.
L’article 335-6 du Code pénal impose à toute personne ayant connaissance d’une infraction, y compris le stellionat, de la signaler aux autorités compétentes :
« Est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende 500 000 à 2 000 000 FCFA, toute personne qui, de par sa fonction ou sa profession, permanente ou provisoire, a connaissance d’une ou de plusieurs infractions prévues aux chapitres 1 à 4 du titre III du livre III du présent code, et n’informe pas à temps les autorités publiques compétentes. »
Cela signifie que les notaires, agents immobiliers ou autres professionnels du secteur doivent signaler tout soupçon de stellionat, sous peine de sanctions.
Bien que la dénonciation soit encouragée, l’article 335-7 du Code pénal réprime les accusations infondées :
« Est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende 500 000 à 2 000 000 FCFA, quiconque a sciemment, et par quelque moyen que ce soit, fait une dénonciation calomnieuse ou abusive des infractions prévues aux chapitres 1 à 4 du titre III du livre III du présent code, aux autorités compétentes, contre une ou plusieurs personnes. »
Cela vise à éviter les abus dans le cadre de la lutte contre le stellionat.
Par ailleurs, l’article 138 du même Code précise que les actes de détournement de fonds publics, souvent liés au stellionat dans les affaires impliquant des autorités, relèvent de la Haute Cour de Justice. Cependant, il ne détaille pas les sanctions spécifiques pour ces infractions.
Sanctions des auteurs de stellionat
Les sanctions encourues pour stellionat sont lourdes. Elles incluent des peines d’emprisonnement et des amendes substantielles, proportionnelles à la gravité des faits.
Les juges d’instruction spécialisés dans les infractions économiques et financières jouent un rôle clé dans le traitement de ces dossiers, comme en témoigne l’ouverture d’enquêtes judiciaires systématiques suite à des dénonciations.
Bien que le Code pénal ne mentionne pas explicitement le terme « stellionat », les actes frauduleux de ce type sont généralement poursuivis sous les qualifications d’escroquerie ou de détournement de biens. Les sanctions peuvent inclure :
- Des peines d’emprisonnement allant de six mois à cinq ans ;
- Des amendes de 500 000 à 2 000 000 FCFA ;
- La confiscation des biens obtenus frauduleusement.
Les défis liés à la répression du stellionat
Malgré les efforts des autorités, le stellionat reste une infraction difficile à éradiquer. Plusieurs facteurs contribuent à sa persistance :
- L’absence de registre foncier fiable : dans certaines zones, l’absence d’un système d’enregistrement clair et accessible facilite les fraudes.
- La complicité d’autorités locales : comme dans les cas cités, des élus locaux ou des magistrats peuvent être impliqués, ce qui complique la lutte contre ces pratiques.
- Le manque de sensibilisation des citoyens : beaucoup d’acquéreurs ne vérifient pas systématiquement la légalité des transactions, ce qui les expose à des escroqueries.
Pour lutter contre ce fléau, une veille citoyenne est indispensable. Ainsi, les autorités judiciaires encouragent les dénonciations anonymes et appellent les citoyens à signaler toute information relative à des infractions économiques ou financières. Cette approche participative vise à renforcer la vigilance collective et à dissuader les fraudeurs.